Etre traité avec déférence, quoi que l’on fasse, est, pour certains une habitude, les amenant à estimer que ça n’est pas normal que l’on n’agisse pas de la sorte avec eux. Guenièvre, plus couramment appelée Gwen, n’était pas habituée à ce traitement de faveur, et en était toujours à se demander si elle s’y habituerait réellement. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait besoin de s’octroyer des petits moments de tranquillité, loin de l’agitation de Camelot, et du faste que lui donnait son titre de Reine. L’ancienne servante avait donc pris l’habitude de se promener à cheval, aussi souvent que possible, dans la forêt voisine de la belle cité de Camelot. Bien entendu, de par son statut de Reine, elle était bien entourée, mais ça ne la dérangeait nullement. Sans compter que cela rassurait grandement Arthur de la savoir bien escortée. Et, ce matin, Gwen avait eu la surprise de voir, parmi sa garde, son frère, Elyan, qui, hasard de la vie, était à présent chevalier de Camelot, pour la plus grande joie et fierté de sa petite sœur. La promenade fut donc embellie par la présence de son frère, Guenièvre et lui en profitant pour parler, Elyan restant toutefois sur ses gardes, prêt à réagir aux moindres dangers. Après tout, ça n’est pas parce qu’il était avec sa sœur qu’il devait oublier sa mission première : protéger sa Reine. Quand bien même celle-ci s’avérait être sa petite sœur, celle-là même qui le suivait partout alors que leur père lui apprenait les ficelles du métier de forgeron, et celle qui avait pleurée toutes les larmes de son corps à l’enterrement de leur mère.

Profitant de la présence d’Elyan, Gwen se rendit sur la tombe de leur mère, désireuse de s’y recueillir, n’ayant pas pu le faire depuis trop longtemps à son goût. Une fois arrivée sur place, Gwen descendit de sa monture, et fit signe aux gardes de la laisser avec Elyan. Certains parurent peu rassurés à cette idée, jusqu’à ce que la jeune femme leur rappel qu’elle ne risquait rien à rester en compagnie d’un chevalier, sans oublier qu’ils n’allaient pas trop s’éloigner... Le binôme put enfin se recueillir à loisir sur la tombe de leur mère, avant de profiter de quelques minutes en tête-à-tête pour pouvoir parler librement, sans aucune oreille à proximité. Le moment du retour sonna enfin, l’escorte revint, pour ramener la Reine à Camelot. Plus Guenièvre s’approchait de Camelot, et plus le sourire qui trônait sur son visage se faisait de plus en plus lumineux. On ne pouvait nier qu’elle aimait sa cité, plus que tout, enfin, presque autant qu’elle aimait Arthur, du moins.

Enfin arrivé dans la cour du château, Guenièvre, toujours sur son cheval, contempla quelques instants, songeuse, le château. Elle avait souvent du mal à croire à la tournure qu’avait pris sa vie, et avait besoin de faire une rétrospective de ce qui c’était passé ces derniers mois pour réaliser que non, ça n’était pas un rêve... Enfin descendit de son cheval, la jeune femme commença à grimper les marches extérieur du château, lorsqu’elle remarque Gaïus, qui les descendait. La jeune femme s’en approcha, souriante, pour le saluer. Et récupérer au passage un remède qu’elle lui avait demandé. Depuis quelques temps, elle souffrait de maux de têtes, qui intervenaient de manières ponctuelles. Alors que le médecin lui donnait son remède, la Reine avisa un enfant, qui se tenait auprès de Gaïus. Ne l’ayant jamais vu, Gwen prit alors la parole, à l’intention du médecin : « Vous avez un assistant à présent ? » Après tout, ça ne serait guère étonnant, le médecin devait parfois avoir besoin d’aide pour faire toutes les tâches qui lui incombaient. Attendant une réponse du vieil homme, Gwen examina, discrètement, le garçon, intriguée, parce qu’il n’était pas sans lui rappeler quelqu’un. Mais, comme cela arrive bien souvent, à bons nombres d’entre nous, elle était incapable, pour l’heure, de dire de qui il s’agissait !

Les sourcils de Guenièvre se courbèrent légèrement quelques secondes, alors qu’elle essayait de se souvenir qui elle avait l’impression de voir, au travers des traits de l’adolescent qui se trouvait aux côtés de Gaïus. Son visage retrouva son air souriant lorsque Gaïs lui déclara qu’il s’agissait du cousin de Merlin. C’était donc les traits du serviteur d’Arthur qu’elle retrouvait en lui. Au moins, ils ne pouvaient nier d’appartenir à la même famille. Aymeric la salua, ponctuant son salut d’un signe de tête. D’autres que Guenièvre se seraient sans doute offusquée, de ne pas le voir s’incliner comme il se devait, mais Gwen était assez mal à l’aise de voir les gens s’incliner devant elle. Aussi lui adressa-t-elle un sourire bienveillant, en lui déclarant :

« De même ! Et je te souhaite la bienvenue à Camelot ! »

Un jeune écuyer arriva dans la cour, se précipitant pour ramener le cheval de Guenièvre dans son écurie. Pendant ce temps-là, l’attention de la reine était toujours focalisée sur l’adolescent. Elle n’était pas du genre à oppresser les serviteurs, à les observer pour voir leurs moindres faux pas et se moquer d’eux, préférant leur faire confiance, sans pour autant aller à de la confiance stupide et aveugle.

« J’espère que tu te plairas parmi nous ! »

La jeune reine avait en effet à cœur que les habitants de Camelot s’y sentent bien, à l’abri, et heureux. Pour l’heure, c’était le cas, le règne d’Arthur avait amené la sérénité sur la cité. Sérénité qui était régulièrement troublée par Morganna, qui n’avait pas abandonnée son désir de prendre le trône. Guenièvre avait toujours beaucoup de mal à se faire à l’idée que son ancienne maîtresse ait changée au point d’être incapable de faire autre chose que le mal.. Et, au fond d’elle, elle espérait encore retrouvée son ancienne amie, que tout redevienne comme avant... Serrant le flacon de remède dans ses mains, la jeune femme ajouta :

« Tu ressemble beaucoup à ton cousin, vous ne pouvez nier d'être de la même famille ! »

L’amusement était audible dans sa voix, mais ne dissimulait pas l’affection qu’elle ressentait pour Merlin. Bien qu’elle soit reine à présent, elle le considérait toujours comme un très bon ami. Et savait qu’il en allait de même pour Arthur, même si celui-ci était incontestablement trop fier pour l’admettre.

Au sourire qu’elle surprit en provenance de Gaïus, la jeune femme réalisa qu’Aymeric devait avoir avec Merlin des points communs autre que physique. Elle était donc bien curieuse de voir desquels il s’agissait... Mais ça, seul le temps le lui dira !

L’adolescent semblait poli et content d’être à Camelot, ce qui fit plaisir à Guenièvre. Mais comme elle le lui dit, il ressemblait à son cousin, qui s’était montré content de gagner la cité. Et qui, au fil des années, n’avait pas perdu son côté enjoué, même si Arthur lui en faisait voir de toutes les couleurs. Guenièvre espérait toutefois qu’Aymeric n’avait pas le don de son cousin de se créer des difficultés, ou de finir au pilori régulièrement (même si cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé...). D’ailleurs, en parlant de Merlin, celui-ci arriva vers le trio. Guenièvre ne le remarqua qu’en entendant Gaïus s’adresser à lui. La souveraine se tourna alors, pour faire face au serviteur de son époux, qui semblait peu apprécier la réplique de son mentor. Et encore moins le rire de son cousin. Rire qui fut communicatif, gagnant Guenièvre, qui adressa un sourire éclatant à son ami. Elle l’avait entendu à quelques reprises évoquer les corvées que lui imposait le médecin. A chaque fois, il prenait un ton bourru pour les décrire, mais Guenièvre savait qu’une profonde affection l’unissait au vieil homme, affection qui était réciproque. L’arrivée de Merlin avait adoucit la solitude de Gaïus. Et Merlin avait trouvé en lui une figure paternelle. La jeune femme fut tirée de ses pensées en entendant Aymeric souligner à son cousin l’importance de ne pas oublier de retirer les sangsues. Réplique qui fit naître chez le jeune serviteur une grimace, avant de le faire partir, vraisemblablement peu enjoué à la perspective de cette mission peu ragoûtantes.

« Granny ? », demanda Guenièvre à Aymeric, s’interrogeant pour savoir à qui il faisait ainsi allusion, avant de réaliser qu’apparemment, elle ne savait pas grand-chose de Merlin, en dépit du fait qu’ils se connaissaient depuis des années. Elle ne savait, à ce sujet, simplement que Merlin n’avait jamais connu son père, et avait grandit avec sa mère. Mère que Guenièvre avait vu à maintes reprises, et auprès de qui elle avait vécu quelques temps, avant son mariage avec Arthur, après que celui-ci l’eut banni du royaume pour l’avoir trahi avec Lancelot. La jeune femme s’en voulait toujours énormément, et y songé lui était toujours douloureux, ravivant la flamme de la culpabilité d’alors. Aussi sa voix était quelque peu moins enjouée lorsqu’elle reprit la parole : « Et tu as une sœur ? Est-elle ici également ? »

A présent que Guenièvre avait rencontré Aymeric, elle désirait rencontrer sa petite sœur, intriguée de voir si elle aussi ressemblait à son cousin. La reine allait reprendre la parole lorsque Gaïus se fit entendre, expliquant aux deux autres qu’il avait encore à faire, avant de s’éloigner, non sans leur avoir adresser un dernier sourire. Alors que le médecin descendait les escaliers, Guenièvre, intriguée, s’adressa à l’adolescent :

« Tu résides chez Gaïus également ? »

Etant donné la petitesse de la résidence du médecin royal, ils devaient se sentir un peu à l’étroit. La jeune femme ne s’en offusquait pas pour autant, n’ayant que trop connu elle aussi d’être nombreux dans une petite masure.

La reine hocha positivement la tête en entendant Aymeric expliquer qu’il avait crût, petit, que Hunith était sa grand-mère, ce qui expliquait qu’il l’appelait actuellement Granny. Les liens de parenté étaient bien souvent compliqué à comprendre pour les enfants, Gwen avait pu en juger, lorsqu’elle avait parlé avec ses petites voisines, plus jeune.

Le médecin partit, laissant le binôme seul, ce qui allait permettre à Gwen d’en apprendre plus sur le cousin de Merlin. Et pour l’heure, elle parlait de la petite sœur d’Aymeric, demandant si elle était également à Camelot. L’adolescent expliqua qu’elle était restée à Ealdor, avec Hunith. Une fillette de 7 ans aurait en effet risquée de trouver le temps long, chez Gaïus, sachant que celui-ci est souvent amené à se déplacer pour voir des patients, ou même à recevoir des patients chez lui, et que Merlin était régulièrement aux côtés d’Arthur. Ainsi, elle risquait sans conteste de trouver le temps fort long, à moins qu’Aymeric ne puisse rester à ses côtés, à moins qu’il ne travaille aussi. Tout compte fait, il était sans nul doute préférable que la fillette reste en compagnie de sa tante, elle s’amuserait sans conteste mieux à Ealdor qu’à Camelot. « En effet, c’est plus sage ! J’espère que j’aurai la chance de la rencontré un jour, si elle vient vous voir, Merlin et toi ! » Pour une fois que Gwen avait la chance de rencontrer une autre partie de la famille de Merlin, elle n’allait pas s’en priver, n’est-ce pas ? Mais comme le fit remarquer Aymeric, le laboratoire de Gaïus risquait de se retrouver drôlement plein si la fillette venait également. Gwen avait toujours du mal à se faire à son immense chambre, qui était presque aussi grande que la maison dans laquelle elle avait grandit, aussi comprenait-elle, mais trouvait aussi cela fortement dommage. « Sans oublier que si elle vient ici, ta granny l’accompagnera sans doute, ta petite sœur est trop jeune pour voyager seule ! » Un nouveau sourire se profila sur le visage de Guenièvre. Bien entendu, la question de l’endroit où se trouvaient les parents d’Aymeric s’imposa à son esprit, mais la reine ne dit rien, craignant, d’une part, de se montrer trop indiscrète, et d’autre part, d’aborder un sujet douloureux, dans l’hypothèse où le pauvre venait de les perdre. Il est vrai, de plus, que lorsqu’elle avait résidé à Ealdor, elle n’avait pas vraiment la tête à parler de tout et de rien pour interroger Hunith et en savoir plus sur sa famille, Gwen se contentait alors de continuer sa route, tant bien que mal. Aussi décida-t-elle d’aborder un sujet plus neutre, du moins, à son sens : « Tu vas donc aider Gaïus ? » En effet, si Aymeric restait longtemps, l’inoccupation allait se faire sentir tôt ou tard. Même si Camelot est une belle cité, la visiter devient vite lassante.