Le soleil se levait une fois de plus sur Camelot en cette belle matinée d’été à la chaleur déjà lourde qui laissait présager qu’un orage éclaterait dans la soirée. Pour le moment en tout cas, aucun nuage ne se profilait à l’horizon. Le ciel était d’un bleu limpide, et mon humeur au rendez-vous. Chaque jour les tâches dans mon royaume se cumulaient, ne m’offrant pas une seule minute de répit. Cependant aujourd’hui je désirais profiter d’un bon et long moment passé auprès de Gwen. Depuis quelques temps déjà nous n’avions pas pu profiter l’un de l’autre, et cela me manquait cruellement. Plus rien ne devait nous séparait, et pourtant plus rien ne nous rapprochait, alors que j’allais par monts et par vaux explorez de nouvelles contrées, ou bien faire mon devoir de Roi.

Aujourd’hui, il fallait donc que l’on nous laisse en paix, quoiqu’il arrive. Profondément endormie sur mon épaule, je regardais avec tendresse le si beau visage de ma chère et tendre. Un léger sourire aux lèvres, j’entendis soudainement la porte de nos appartements s’ouvrir en un grincement, laissant entrer Merlin sur son seuil. Lui faisant aussitôt signe de se taire, j’attendis que mon serviteur dépose notre petit déjeuner sur la malle posée au fond de notre lit pour me redresser doucement, en prenant garde de ne pas la réveiller, avant de me diriger vers lui pour lui murmurer à voix basse :

« Merlin, ordonne en cuisine que l’on nous prépare de quoi dîner à l’extérieur. Et je veux que l’on ne nous dérange sous aucun prétexte ! »

Me glissant derrière le paravent de bois, je retirai mes vêtements de nuit puis enfila un pantalon marron foncé, avant de ressortir de là et de regarder Merlin avec des gros yeux.

« Et bien ? » Lui demandais-je, avant que de son air malicieux il ne sourit, se rendant compte qu’il avait manqué à son devoir.

Ne pouvant cependant pas m’empêcher de sourire à mon tour, j’attendis qu’il m’aide à enfiler ma chemise en lin blanc, avant de le congédier d’une légère tape amicale derrière la tête.
S’éveillant en douceur tandis que j’enfilai mes bottes, je vis Guenièvre esquisser un bâillement. D’un tendre et amoureux sourire aux lèvres, je m’approchais alors d’elle et m’assis à ses côtés, avant de passer une main dans ses cheveux bruns ondulés.

« Bonjour mon ange, tu as bien dormi ? » Lui demandais-je, avant de déposer tendrement mes lèvres sur les siennes si fines et si douces.

Puis, me redressant, je lui annonçais :

« Aujourd’hui c’est une journée spéciale. Que ta servante t’aide à te vêtir, nous serons prêts pour partir ! Mais ne me pose aucune question, c’est une surprise. » M’exclamais-je avec entrain, bien heureux de pouvoir la lui offrir.

Attendant patiemment qu’elle ne se prépare, je demandais à ce que l’on nous prépare trois chevaux, dont un pour porter la nourriture nécessaire à notre pique-nique. Descendant alors tous deux de nos appartements, je lui adressais un nouveau et doux sourire avant de l’aider à monter en selle et de monter à mon tour, Escalibur attachée dans son fourreau et attelée à ma selle si jamais nous venions à rencontrer quelques imprévus. Après tout, on n’est jamais trop prudent.

Montant alors tous deux, nous prîmes la direction de la forêt dans laquelle nous marchâmes près d’une bonne demi-heure loin du château, avant de déboucher dans une clairière enjolivée par un fin ruisseau qui passait au travers.

« Tu te souviens ? » Lui demandais-je alors avec amour et nostalgie, me rappelant de cette après-midi que nous avions passée tous deux avant que mon Père Uther ne nous découvre tous deux, accompagné par Morgane qui avait dénoncée notre escapade.

Cela n’était pourtant pas la première fois que Gwen se réveillait aux côtés d’Arthur, et cependant, elle se sentait toujours comblée lorsqu’elle le voyait, en ouvrant les yeux. Elle savait au fond d’elle que jamais elle ne se lassera de cela, et les paroles d’Arthur, ce matin-là, renforcèrent sa certitude : il n’avait de cesse de la surprendre. Elle lui lança en regard intrigué lorsqu’il évoqua le fait qu’aujourd’hui était une journée spéciale. Si elle se pliait à sa volonté de ne poser aucune question pour en savoir plus, son regard se fit interrogateur alors qu’elle se levait pour sortir du lit, avant qu’Isadora, sa servante et amie, ne vienne pour s’occuper d’elle et de sa tenue. Bien entendu, tout en revêtant sa robe, Gwen ne put s’empêcher de s’interroger sur ce qu’Arthur lui préparait. Isadora lui lança un sourire complice à travers le miroir, lorsqu’elle en était à coiffer sa maîtresse, la servante étant contente pour Gwen, qu’elle connaissait depuis toujours, ayant même travaillé en sa compagnie au château.

Une fois prête pour la journée, Gwen quitta la chambre royale avec son époux, ne pouvant s’empêcher de sourire, voire même de rayonner, à la simple perspective d’être avec Arthur. Quoi que celui-ci lui ait préparé, tant qu’elle était avec lui, elle était déjà aux anges. Etre l’épouse d’un roi n’était pas chose aisée, même si elle s’en était doutée, surtout lorsque les choses avaient commencées à être sérieuses entre eux et plus officielles, prenant des apparences de réalité pour quitter les apparences de rêves improbables ou très lointains. Mais Guenièvre ne s’en plaignait pas, elle avait la chance folle d’être mariée à l’homme qu’elle aimait, alors qu’au début, ça ne paraissait pas gagné. Et si Arthur n’était pas autant attaché à son royaume, il ne serait pas l’homme qu’elle aimait autant, ni le Roi qu’elle était fière de voir trôner à Camelot.

La jeune femme esquissa un sourire en voyant, dans la cour, des chevaux qui les attendaient. A nouveau, son regard empli d’interrogation se posa sur son royal époux, mais celui-ci ne semblait pas décidé à lui dire quoi que ce soit sur ce qu’il lui préparait. Tout en grimpant sur sa monture, aidée d’Arthur, Guenièvre ne cessait de sourire en remarquant que nulle escorte ne les suivrait. Où qu’ils aillent, le couple sera en tête-à-tête, et cette simple perspective emplit son cœur de joie. Cela faisait bien longtemps qu’ils n’avaient réussi à se voir seuls, sans que les devoirs qu’Arthur avait envers son royaume ne l’appel. Avisant le troisième cheval, Guenièvre put enfin mettre quelques théories de côté : cela sentait le pique-nique romantique, ou du moins, ça y ressemblait drôlement.

Le couple royal quitta alors le château pour prendre la direction de la forêt, Guenièvre profitant simplement de l’instant, se laissant guider par Arthur jusqu’à un endroit qu’elle connaissait bien : après tout, c’était ici qu’ils avaient connu leur premier véritable rendez-vous loin de Camelot. Même s’il ne s’était pas terminé aussi bien qu’elle l’aurait alors espérer. « Comment pourrais-je l’oublier ? J’étais mortifiée lorsque ton père est arrivé ici ! », s’exclama-t-elle en lâchant un petit rire. Si elle pouvait en rire à présent, à l’époque, ça avait été nettement moins drôle. Son amour pour Arthur l’avait amené à s’interroger pour savoir si un jour, ils pourraient enfin être ensemble. La Reine descendit alors de son cheval, avant de flatter celui-ci, le remerciant ainsi de la balade, manie qu’elle avait héritée de son père, qui lui avait apprit à avoir le plus grand respect pour les chevaux. « Je suis contente d’être ici, c’est vraiment un endroit que j’affectionne énormément. » Bien qu’elle aimait beaucoup cet endroit, elle n’y était pas revenue sans Arthur, s’étant mis en tête que ce lieu était à présent le leur, et qu’il perdrait tout son charme sans lui à ses côtés. « J’ai presque autant d’affection pour toi que pour cet endroit ! », ajouta-t-elle alors, prenant un air sérieux que venait contredire la lueur malicieuse qui brillait dans son regard.

Mettant pied à terre, j’aidais ensuite Gwen à descendre de sa monture qu’elle flatta brièvement tandis que je me tournai vers nos affaires attachées au troisième cheval alezan. Sans serviteur pour m’aider ou plutôt pour faire le travail à ma place, c’était nettement moins plaisant, mais je voulais profiter de ma femme en tête à tête, et pour le reste j’étais largement capable de le faire.
Hissant l’un des sacs de nourriture sur mon épaule, je mis un pied sur l’un des rochers qui gisait hors du ruisseau pour pouvoir le traverser, tendant la main à Guenièvre pour l’aider galamment à en faire de même. Mon rire se joignit au sien lorsque nous repensâmes à la découverte que Père avait fait lorsque Morgane l’avait conduit jusqu’à nous, bien qu’auparavant la situation était des plus angoissantes. Combien de fois au juste avions-nous dû être séparés ? Je ne les comptais même plus. Et encore une fois, c’était la magie qui avait bien souvent était mise en cause, lorsque j’avais par exemple été ensorcelé pour être détourné de ma chère et tendre. Mais heureusement le pouvoir de notre amour avait été bien plus fort que tout cela.

« Je suis heureux que tu le sois à ton tour, Guenièvre. Nous retrouver seul à seule nous fera le plus grand bien. » Lui dis-je, un tendre sourire aux lèvres tandis que je déposais nos affaires auprès du cours d’eau, à l’ombre d’un chêne centenaire.

Et dans un regard empli de malice, Gwen me glissa à l’oreille qu’elle aimait presque autant cet endroit que moi. Haussant les sourcils d’un air faussement surpris, je lui répondis sur un ton taquin :

« Tu aimes ce lieu à ce point, alors ? J’en suis flatté. »

Détachant une natte de tissu des sacs emplis de mets soigneusement préparés, je l’étendis au sol afin que nous puissions nous assoir tous deux, l’un à côté de l’autre.
Prenant place sur la natte, je détachai une tomate cerise de sa grappe avant de la glisser doucement entre les lèvres de ma femme, puis de déposer un tendre baiser sur ses lèvres.

Lâchant un soupir de bien-être, je ne la quittais pas un seul instant des yeux. Ce qu’elle était belle…

« Tu sais, j’ai vraiment eu peur de te perdre lorsque Morgane t’a ensorcelée pour t’éloigner de moi. Sans cette sorcière qui nous a prêté main forte, je ne sais pas ce que je serai devenu sans toi… » Lui confiais-je, en repensant à cette fois où j’avais dû la conduire dans un fleuve enchanté, accompagné de Merlin et de Mordred pour pouvoir l’attirer vers moi à l’intérieur et ainsi la désenvouter.

Dans un nouveau soupir, je baissai mes yeux bleus vers nos doigts entrelacés, et m’égarai un instant dans mes pensées. Oserai-je lui poser cette fameuse question qui me brûlait les lèvres ? J’en doutais. Du moins avais-je surtout peur de tout gâcher de cet instant si paisible et merveilleux. Mais depuis le temps que je me posais cette question, je ne pus m’empêcher de lui dire :

« Ecoute Gwen, je sais que ça n’est ni le moment ni le lieu, mais nous n’avons pas eu beaucoup d’occasion de parler ces derniers temps. Mon devoir de Roi me prend bien trop de temps, et je… Enfin bref. As-tu réellement aimé Lancelot ? »