Trois jours. Cela faisait déjà trois jours qu’un nouveau sorcier avait péri dans les flammes par l’exécution que j’avais ordonnée. Trois jours. C’était aussi le nombre de jours depuis lesquels je n’avais de cesse de repenser à la cause de sa perte. La sorcellerie était un fléau sous lequel je ne voulais pas voir mon peuple tomber, comme l’avais fait mon père avant moi. Depuis toutes ces années, je n’avais de cesse de parcourir les contrées à la recherche de Morgane afin qu’elle daigne cesser de faire plier mes hommes sous le poids de sa vengeance. Seulement elle était introuvable, et le parcours semé d’embûches. Pourtant, et malgré tout, je ne pouvais pas cesser de ressentir cette fichue pointe de culpabilité envahir mon cœur. Cet homme n’avait rien fait de mal, seulement choisir de le laisser repartir hors de ces terres c’était en revenir à laisser la possibilité qu’un nouveau danger ne courre sur Camelot, tout comme la possibilité de lui laisser la vie sauve. Je ne devais pas donner l’exemple d’un mauvais Roi comme Père m’avait inculqué de ne pas l’être. Déjà qu’au nom de sa mémoire je doutais qu’Uther ne soit fier de moi, alors là c’était une belle raison de plus. Il devait y avoir une justice, oui, mais pas pour les sorciers. Cependant, étrangement cette phrase me donnait la nausée.
 
Lâchant un long soupir, je quittai mon lit devant lequel trônait une corbeille d’une vingtaine de fruits enjolivés par quelques fleurs. Prenant au passage une pomme dans laquelle je croquais à pleine dents, je m’adossai contre la porte de mon placard et attendit presque patiemment en croisant les bras sur mon torse. Du moins patiemment l’équivalant d’une dizaine de secondes avant qu’un râle de mécontentement et d’agacement ne sorte d’entre mes lèvres.
 
« Merlin ?!! »
 
Personne. A tous les coups il avait oublié de venir s’occuper de moi. Ou bien il était à la taverne, autre possibilité tout aussi inexcusable. Et pourtant je lui pardonnais toujours. Je le lui faisais payer, bien sûr, à l’aide de nombreuses corvées, mais je lui pardonnais toujours. Merlin était d’ailleurs bien le seul à pouvoir s’en targuer ! Quel mauvais serviteur il pouvait être… Pourtant je me refusais d’en changer. Préférant me débrouiller tout seul malgré la difficulté de la chose – et Guenièvre qui était partie aux aurores pour le marché matinal aux étoffes et autres produits de vendeurs venus d’autre part et d’ailleurs – je dus me résoudre à m’habiller tout seul, revêtant ainsi un pantalon noir, mes bottes, ainsi que sa chemise blanche en lin. Il allait entendre parler de moi celui-là, je me jurais de le lui faire payer son absence.
 
Cogitant sur mille et unes pénitences que je pourrais lui attribuer, je se dirigeai hors de mes appartements et descendis rapidement les escaliers monumentaux et richement décorés pour me diriger vers les cuisines. A mon arrivée, tous se figèrent et s’inclinèrent tandis que je passais en coup de vent, à la recherche de mon satané valet. Marmonnant des centaines de malédictions à l’encontre de Merlin, je remontai rapidement les escaliers et se dirigeai vers une porte en bois épais contre laquelle je cognai du poing.
 
« Merlin, es-tu là ? » Demandais-je, avant que la porte ne s’ouvre devant Gaius.
 
« Toutes mes excuses Sire, Merlin est… » Commença-t-il, avant que je ne l’interrompe d’un geste, entrant d’un pas vif dans la pièce qui recelait de mille et uns flacons et autres ingrédients.
 
Lâchant un énième soupir en posant mes mains sur mes hanches, je parcourus la pièce du regard avant de me retourner vers le vieil homme :
 
« Où est encore passé Merlin ? Ne me dites pas qu’il est encore à la taverne sinon je le fais lyncher sur la place publique ! » Pestais-je sous le coup de la colère.
 
Croisant le regard du médecin, je me doutais encore une fois que la réponse n’allait pas me plaire.
 
« Non, à vrai dire il est… » Commença-t-il à nouveau avant de s’interrompre de lui-même, la porte de la chambre de Merlin s’ouvrant à ses mots tandis que celui-ci bayait aux corneilles.
 

« Je te jure que tu vas me le payer… » Le menaçais-je du regard.